Efficience et qualité : ce qui nous attend

06/06/2019

Le rapport du doyen Uzan (Président du comité de pilotage) propose une re-certification des médecins tous les 6 ans. Cette proposition si elle est retenue, s’appliquerait aux médecins diplômés à partir de 2021, diplômés en France ou à l’étranger. […]

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L’hôpital s’est lancé dans l’aventure il y a quelques années. Regardons ce que ça a donné.
D’abord, ces critères et indicateurs ont été définis par des économistes de la santé et non par des médecins. Surprenant pour les soignants mais logique pour les politiques, l’objectif étant de diminuer les dépenses publiques de soins.

A partir de là, tout découle : la qualité du soin n’est pas de répondre au besoin médical du patient, mais d’avoir un coût maîtrisé. Un « bon soin » doit être efficient, c’est-à-dire efficace et pas cher. Et surtout évaluable pour savoir si il est effectivement efficace et pas cher.
Et pour mesurer l’efficacité d’un soin, le plus facile est de mesurer si le symptôme a disparu et à quelle vitesse. D’où certainement la multiplication ces dernières années de traitements massifs comme l’usage de corticoïdes pour répondre à une inflammation.

Pour mesurer, il faut donc tout noter, remplir des tableaux, comparer avec des références voire des normes (comme le temps moyen mis pour changer un pansement).
Et tout est bon dans l’évaluation : l’évaluation des procédures et des résultats, la chasse au gaspi, l’efficience, la rentabilité, la fermeture de lits, le chronométrage des actes, le glissement des tâches (travail d’infirmière faire par une aide soignante),….

Nous en arrivons à des situations pathogènes pour les soignants (burn out) et dangereuses pour les patients (surtraitements).

Il faut avoir le courage de dire que la qualité des soins ne peut se mesurer à l’aune de critères et d’indicateurs économiques.
La qualité d’un soin, c’est d’avoir répondu au besoin médical du patient, même s’il s’agit d’arrêter les traitements et d’accompagner humainement et dignement vers la mort.

Malheureusement, les syndicats signataires des conventions des professions de soin semblent avoir perdu cette boussole.
Ils ont visiblement adopté le mode de raisonnement des économistes de la santé et délaissé celui de soignant, pour négocier des « conditions d’accroissement d’activité », des « organisations tarifaires », des « diversifications de modes de revenu », des « stratégies d’optimisation de la CCAM ».

Si le sommet perd la tête, c’est à la base de manifester son ancrage de soignant : avons-nous envie que nos cabinets se transforment en structures de soins sous conditions, tributaires de primes et subventions allouées, « dans la limite des fonds disponibles » ?

Souhaitons-nous nous transformer en gestionnaires de dépenses publiques quand rien n’est dit ni fait sur les causes des maladies, et si peu sur la prévention, sur l’éducation à la santé… et sur l’évasion fiscale qui prive les états de recettes publiques ?

La Loi de santé passera à l’Assemblée Nationale en procédure accélérée à partir du 4 mars 2019.
Aurons-nous massivement le courage d’exprimer aux élus de la république ce que nous pensons de tout ça ?

Dr Nathalie FERRAND

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