Il a fallu attendre la réforme des retraites engagée par le gouvernement actuel pour que les projecteurs soient enfin braqués sur la qualité de vie des femmes actives. Les chiffres se succédaient, les témoignages aussi, mais l’inertie était la seule réponse à cette inégalité qui frappe les femmes. Il semblait qu’elle était entrée dans le registre de la fatalité, à la fois ordinaire et indiscutable. C’est normal que tu sois fatiguée, dit-on aux femmes, tu as des enfants et un travail. Non, ce n’est pas normal. […]
Autrement dit, la maternité, fait normal dans la vie d’une femme et facteur de croissance d’une pays, devrait être suivie et non source de discrimination. Les retours de congés accompagnés semblent garants de plus d’épanouissement et d’une plus grande performance des femmes, comme le montrent des pratiques en Europe du Nord. Dans les entreprises où elles ne sont pas accompagnées, les jeunes mères s’absentent deux fois plus, consomment deux fois plus de médicaments et d’alcool et sont de fait moins performantes.
Une autre période de la vie des femmes, hélas trop oubliée, doit également être prise en considération en termes de prévention : c’est celle de la ménopause souvent à l’origine de troubles physiques et psychiques mal interprétés par l’encadrement, alors qu’elle relève parfois d’une réelle prise en charge médicale. Si la santé au travail est un levier de succès, celle des femmes est certainement source de performance supplémentaire compte tenu de leur implication et de leur capacité de résistance.
Pourquoi en sommes-nous encore là ? Parce que le débat sur la parité n’est pas posé dans sa globalité. Egalité veut dire partage égal. N’ayez crainte, messieurs, partager la tâche, ce n’est pas la prendre, comme le disait Hubertine Auclert, c’est se soulager mutuellement. Les femmes démarrent dans la vie pleine d’illusions d’égalité, mais elles sont progressivement rattrapées dans leur corps et leur esprit par une réalité qui les emporte dans une course effrénée vers une injustice ultime : celle de ne percevoir que 56 % de la retraite des hommes. On voudrait en plus les faire travailler deux ans supplémentaires, et dans ces mêmes conditions ? Nous les voyons épuisées, éreintées, au début, au milieu et en fin de parcours professionnel. Et il faudrait encore qu’elles finissent leur vie de plus en plus longue dans l’humiliation ?
Fatma Bouvet est l’auteur de Les femmes face à l’Alcool. Résister et s’en sortir (Odile Jacob, 2010).
Fatma Bouvet de la Maisonneuve, psychiatre, addictologue, membre du think tank L’Observatoire des Futur(e)s